Les gilets jaunes, c’est mes copains

Les sujets d’actualité, j’évite d’y réagir à chaud car je suis quelqu’un d’extrêmement réfléchi. Mais je considère qu’il est de mon devoir de citoyen d’indiquer que j’adresse tout mon soutien au mouvement des gilets jaunes.

Un soutien total et inconditionnel de chignolement votre pour les gilets jaunes.

SO LI DA RI TE.

Maintenant que cette introduction a levé toute ambiguïté quant à l’objectif de ce billet (et que ça apparaît bien dans le résumé de l’article #putaclic), je peux dérouler maintenant tranquillement un argumentaire cohérent, bienveillant et réfléchi, tout comme l’est ce mouvement depuis sa création.

Les réseaux sociaux, malgré leur propension à rendre visible et disséminer la connerie humaine dans toute sa splendeur, sont également capable de faire voir le jour aux meilleures initiatives du monde, notamment la clochardisation virtuelle 2.0 autrement appelée « financement participatif » où des mecs qui « testent » (comprendre : écrivent 3 lignes et font 20 vidéos monétisées dessus) du matériel hors de prix pleurent de joie quand leur public leur file de la thune pour kiffer et en faire plus ; les groupes engagés comme « si toi aussi tu … » sur facebook qui permettent à tout un chacun de se reconnaître dans une idée et partager ensuite des images qui n’ont rien à voir avec ce sujet. Mais je m’égare, car les gilets jaunes, c’est bien plus que ça.

Parti d’une initiative typiquement française à base de Fais-Le Toi Même (FLTM ou Système D aka « do it yourself » en angliche), des mecs se sont rendus compte que y’avait des trucs qui commençaient sérieusement à leur péter les couilles au quotidien et qu’il fallait agir. Donc ça les faisait gueuler, ils ont fait un groupe pour trouver des copains afin de partager cette haine, un peu comme Papacito en détresse qui est allé voir le Raptor dissident pour faire des punchlines dans une émission avec un micro pas terrible (en même temps niveau micro il s’est bien rattrapé). Ou quand Marsault est allé publier ses dessins sur Facebook histoire de faire rire les gens, et que ça les a tellement fait rigoler qu’il s’est fait traiter de nazi et modérer ses posts.

Mais je m’égare, revenons-en à l’histoire de notre fier mouvement populaire, qui est légitime vu que ça vient du peuple.

A force d’avoir des gens qui gueule, le mec s’est senti moins seul et ça s’est organisé un peu comme les groupes de lascars : quand t’es tout seul, t’es un peu pédé dans ton coin à fermer ta gueule comme un fragile, par contre dès que y’a du monde autour, t’as l’impression d’être gaulé comme The Rock et tu te permets des insolences comme poser une question sans lever la main ou appeler le président Manu, tu vois, trop la folie mec.

Et paf, ça donne les manifs, initiative populaire, on lance une grande trame, on s’en bat les couilles des autorisations de manifestation vu que tout le monde peut faire ce qu’il veut avec des guidelines, t’as plus qu’à revendiquer la puissance des actions tandis que les filiales font le taff. Une bonne stratégie qui a réussi à un groupe assez connu ces derniers temps.

C’est la daesh pour les manifestants, hihilol.

Bon, ok, en fait là tout le monde a l’air un peu con avec ces gilets de merde, tant qu’on y est pourquoi pas les chasubles de foot au collège qui puent les pieds? Et bien je trouve que ça a du panache. Etre habillé comme un cul, face à face dans un débat avec un élu en costard, c’est le niveau de la classe ultime : surtout quand le politique sapé comme jamais a un casier plus long que ce que tu peux espérer dans ta vie de prolo.

Alors oui messieurs dames, forcément ça dérape, mais bon, c’est pas grave parce que c’est le peuple qui s’exprime (et le peuple, ça justifie tout) : les pauvres, les opprimés, les taxés, les petites gens qui en prennent plein la gueule tous les jours, qu’on ponctionne à qui mieux mieux et qui sont les dindons de la farce. Et quitte à être un dindon, autant éviter en plus d’être un pigeon ou un mouton et de faire des actions coup d’éclat… comme griller des saucisses devant Auchan ou Leroy Merlin pour éviter aux moujeons (moutons + pigeons) de se faire encore plus taxer en allant acheter des tasseaux de 12 ou de la bouffe pour la semaine afin de nourrir les enfants. SO LI DA RI TE.

On peut donc légitimement bloquer la circulation aussi, notamment les grands axes. On bloque les personnes qui galèrent déjà dans les transports 1h histoire d’appuyer un peu plus sur le trajet domicile-travail où, après en avoir pris plein la gueule toute la journée au boulot pour un salaire de merde, tu dois te stresser à rentrer à la maison pour regarder tes épisodes de merde ou récupérer le petit chez la nounou (qui te surfacture le cul quand tu dépasses de 10 minutes, en non imposable pour elle donc c’est tout bénef pour cette grosse pute pleine de saindoux qui colle ton mioche devant la télé, izi moné).

De toutes façons, on peut passer les blocages : soit t’y vas en force, paniqué par la connerie d’une foule en colère et tu fais un strike qui t’amènera droit devant tes responsabilités judiciaires, soit tu la joues collabo à la libération, tu sors ton gilet jaune et tu fais semblant d’apprécier le mouvement populaire. Et puis ça fait du bien à ta petite conscience de montrer que toi aussi t’es pas content et que t’es d’accord avec tout le monde.

Et puis on peut aussi foutre le feu aux péages ou péter les enseignes des magasins. Ces enculés des autoroutes nous baisent encore plus depuis qu’elles ont été privatisées (mais ça s’est pas fait tout seul hein, il a fallu que certains prennent la décision), et puis les magasins ils reversent la TVA et sont à la solde du capitalisme donc autant les démonter sec, pour terminer le raid nocturne en rigolant autour d’un Fat Burger parce que Mac Do ça ouvre tard vu qu’il y a suffisamment d’esclaves pour y bosser.

Bref tu mets bien la merde, mais t’es surtout bon pour faire chier les gens qui seraient plutôt dans le même caca que toi. Super efficace dis donc, ça doit bien rigoler là-haut à Matignon.

En fait, le seul truc légitime dans toute cette affaire, c’est la rageance. Et c’est ça qui rend le mouvement intéressant : tout le monde gueule pour des raisons différentes (le niveau de vie, l’insécurité, l’immigration, le pouvoir en place, le capitalisme, les journalistes qui font pas leur taff), sauf que là c’est l’occasion de l’exprimer sous la forme d’une bannière qui rend le truc avec un but, donc t’as le droit. Un peu comme quand les agriculteurs balancent du fumier dans les préfectures, on s’en branle c’est l’Etat et les condés qui font pas bien leur boulot donc on peut. Un peu comme quand on fracasse la gueule aux mecs qui tentent de passer les Alpes, ils ont pas le droit d’être là donc on peut.

En fait, gueuler ou être pas bien, ça donne toujours l’occasion de faire chier tout le monde. Bon, sauf pour les petits connards de banlieues qui sont pas légitimes, hein, ça c’est inqualifiable de dévaster tout gratuitement, vaut mieux être un bon gros con de la campagne, un mec qui se tape des putes dans son semi après avoir été toute la semaine sur la route ou une mère de famille trop fatiguée pour pépon son mari. Parce que quand tu taffes ou que tu parles de l’argent qu’on te prend, là c’est légitime.

Une foule en colère, bien éclairée.

C’en est presque caricatural comme situation, étant donnée la revendication de départ. Mais bon comme d’hab, c’est simplement un prétexte pour rassembler un max de monde et trouver ensuite des vrais idées derrière.

Il n’empêche.

Il y a un mois, le GIEC nous met le nez dans le caca, faits à l’appui (comprendre : sur le plan idéologique y’a pas la place entre assistés de gauche et nazis de droite, là on est sur un consensus scientifique) comme quoi le réchauffement climatique va déjà avoir des conséquences dramatiques, et que si on ne change pas drastiquement, on va droit dans le mur, et que non seulement on verra le début du merdier, mais qu’en plus les plus jeunes vont vivre intensément l’expérience. Et là on pourra gueuler que le litre d’essence est à 5€, que les routes sont pourries, qu’il n’y a plus de taff et que bon, les migrants ils ont eu des problèmes comme la guerre, la famine, l’accès à l’eau potable et la maladie, mais que là décidément ils sont beaucoup trop et qu’on commence à avoir un peu les mêmes merdes.

Quand on arrêtera un peu de réfléchir comme des cons à un petit confort de fashionista-technobranchouille de consommateur de merde avec son « pouvoir d’achat » qui commande à l’autre bout du monde des merdes électroniques livrées par containers entiers, que le moindre selfie sur son smartphone hébergée par le Cloud nous coûte des milliers de litres d’eau potable, le peu de terres rares qui nous reste et des kW d’électricité à gogo, peut-être qu’on pourra se poser les bonnes questions et commencer à gueuler pour quelque chose qui nous sauvera vraiment les miches. Vous voulez des sources? Cliquez bande de salopes, c’est déjà un bon début que de prendre conscience du merdier.

OK Super, mon vieux chignole, mais le mec qui est artisan, routier, ambulancier et qui se prend 300 balles par mois dans la gueule avec toutes ces augmentations, comment il fait, sachant qu’il est déjà ric rac niveau pognon?

Et bien il se suicide comme une merde, tout simplement. Ou alors il achète une voiture électrique qui tiendra pas les gros trajets qu’il est censé faire chaque jour, et ensuite il se pend. Par contre, il pense à prendre une assurance décès et maquille ça en accident de la route (façon Castle Rock avec le boss de la prison, attention spoiler), ça servira à sa famille… qui ira bosser dans la Fonction Publique en majuscules, parce que l’éducation, la santé, la justice et la sécurité, à part leur chier sur la gueule et penser à bien faire, on ne fait pas grand chose et niveau budget (comprendre : mise en oeuvre de forces vives pour avoir une situation décente) c’est pas bézef.

Au final, je me rends compte d’une chose : quand y’en a qui gueulent, au final personne n’est content et tout le monde se met à faire pareil.

Chignolement votre,